mercredi 17 juillet 2013

De Bretagne et d'Angleterre, Chapitre 5 - 18/07/2013

Chapitre 5 - 18/07/2013

Dans le film musical "Les bien-aimés", de Christophe Honoré, l'un des personnages féminins se retrouve perdu divaguant dans Londres, éperdue d'un amour impossible qui lui a filé entre les doigts. Sur une musique et avec les mots d'Alex Beaupain qui a composé la BO du film, elle chante :
"Ici Londres, j'appelle, je sais plus d'où
J'ai du confondre c'est le fog et tout est flou
Est-ce le brouillard, ou moi qui suis noire?

Ici Londres, j'appelle, je sais plus qui
Personne pour répondre, aux stations pas de taxi
Est-ce la Tamise ou moi qui suis grise ?

Ici Londres, j'appelle, je sais plus quand
Big Ben a du fondre et il est plus d'heure à présent
Est-ce Oxford Street, ou moi qui suis triste ?"

Forcément la chanson me tourna dans la tête à plusieurs reprises alors que nous visitions Londres. D'autant plus qu'effectivement nous nous perdîmes quelque peu dans la ville et que le manque de sommeil me mena dans la matinée à quelques sautes d'humeur au sein de l'épaisse coquille formée par mon cerveau embrumé souvent de fog et de flou. Un manque de sommeil qui n'était pas pas dû à la qualité de l'hôtel, j'en rassure le lecteur qui s’inquiéterait de l’hôtellerie britannique qui est tout à fait correcte - à l'exception des serveuses qui ne sourient pas aux jeunes hommes trop chevelus, bien sûr... et des accents à couper à la machette.

Pour atteindre Londres depuis l'hôtel il nous fallait emprunter une navette nous amenant à la gare ferroviaire de l'aréoport de London Gatwick (2 minutes d'arrêt...©La Cité de la Peur). La dernière navette partait à 10h et nous étions bien sûr à la réception à ... 10h02. Coup de chance, la navette démarrait juste et nous l'attrapâmes au vol et ce bien que tout comme un ferry une navette ne vole pas dès lors qu'elle n'est pas spatiale. Enfin non, pas comme un ferry, parce qu'un ferry spatial,ça existe pas, faut pas mentir aux petits enfants qui ne me lisent pas.

Prendre le train vers Londres se fit ensuite sans frayeur, l'occasion de constater que les trains anglais sont...parfaitement quelconques. A ceci près que le notre partit à l'heure mais l'on ne saurait extrapoler sur l'efficacité du système ferroviaire britannique dans son ensemble. Peu après 11h la gare de London Victoria était là, majestueuse mais si peu Victorienne si l'on considère qu'une accumulation de commerces en tous genres n'a que peu de choses à voir avec la glorieuse histoire du pays et son pan victorien qui en fit, et fait, la fierté.

La chance semblait avec nous en ce début de journée. Non seulement nous n'eûmes pas à déplorer le moindre attentat terroriste mais en plus notre première destination était Buckingham Palace. Destination tout à fait banale mais pratique puisqu'elle ne se situe qu'à quelques minutes de marche de la gare Victoria. Destination heureuse en cela que la relève de la garde royale avait lieu, en ce jeudi comme chaque jour d'été, à 11h30 et que nous nous pointâmes (un verbe qui supporte assez mal le passé simple) à Buckingham à ... 11h30. Comme quoi l'improvisation a les vertus de la bonne - ou mauvaise - surprise. Ce serait mentir cependant que de déclarer que le spectacle de la relève est bouleversant, remue le cœur et les tréfonds de l'âme, étourdit l'esprit de son éclat et mène le corps aux frontières de la jouissance et des limbes de l'onirisme. Un être rétif au poids de la tradition comme je le suis se devait de trouver quelques réserves à l'exercice hautement costumé et chorégraphié qui se présenta à nos vues ce qui ne m'empêcha pas comme tout clampin béat à juste titre de prendre des photos - et de les rater, comme tout clampin n'ayant d'usage de son appareil photo que pour capter des moments de vie qu'il finit par ne pas vivre du tout à force de se cacher derrière son appareil...

Il ne faut pas conclure de cette saillie mesquine que toute forme de tourisme me répugne auquel cas cette semaine n'aurait été qu'un grand moment de masochisme. J'ai sans nul doute quelques difficultés avec le tourisme du "Faut avoir vu ceci, faut se souvenir de cela, faut acheter cela ici et ceci là". Une forme dangereuse car seules comptent alors façades et cases cochées dans le guide du bon visiteur. Telle est ma réticence vis-à-vis de l'activité touristique: programmer laisse souvent moins de place à la découverte que se laisser surprendre et errer - et puis de toute façon lorsqu'on programme d'aller à un endroit on se perd si souvent qu'on finit par errer, mais desesp-erré.

Cette précision effectuée sur mon état d'esprit - précision qui j'en suis sûr aura ému tout un chacun - je reprends le récit devant les grilles fermées de Buckingham Palace assaillies de touristes. Le monument restera façade pour nous mais on ne peut nier son imposante majesté, sauf quand je le prend en photo de travers. Est-ce la multiculturalité culinaire de mon séjour qui se transvasa à l'architecture, de telle sorte que ma main tenant maladroitement l'appareil se mit en mode "Tour de Pise ?". Dans ce cas, l'arc de cercle que nous traçâmes ensuite pour contourner la foule serait une référence au Colisée ? C'est sans doute aller un peu loin dans l'extrapolation d'autant que nous croisâmes bien plus de français que d'italiens en ces lieux. Français qui râlaient, en général. Ce n'est donc pas en cet été 2013 que s'améliorera l'image du touriste français, j'en ai peur, alors que Le_neptunien et moi arboriions un sourire de tous les instants. Et si tu m'crois pas,hé...vous connaissez la suite !

St James Park se présenta ensuite à nous, et ce bien que St James Park soit dépourvu de parole et du moindre sens de la politesse. Un long parc boisé, verdi (comme Giuseppe) à souhait mais dont je ne profitai pas à plein puisque je choisis ce moment pour me poser des questions existentielles sur le sens de la vie et de la mienne. Ainsi que le film du même nom des Monty Python le laisse caustiquement supposer, le non-sens de la vie est une notion beaucoup plus intéressante et facile à gérer dès lors qu'on l'accepte. Un vaste travail que la traversée du Park ne suffit pas à mener à terme. Au milieu de ces méandres psychiques notre chemin nous mena jusqu'à Trafalgar Square et son monument en hommage à l'admirable Nelson qui, tout admirable qu'il fut, mourut en se prenant un gros boulet de canon dans la che-tron. Les armes n'ont aucun respect pour la grandeur des hommes et elles parviennent même à annihiler toute grandeur en eux - faire "pan pan" est tellement rigolo, surtout quand ça gicle !

Sur le Square se préparait pour le soir (ça rime, en prononçant square à la française) un écran géant retransmettant (ça rime aussi) un opéra (ça rime plus). Pour l'heure la seule chose qui opérait était la chaleur. Disons plutôt qu'elle anesthésiait. Raison pour laquelle nous nous réfugiâmes dans la grande bâtisse de la National Gallery qui présentait la vertu majeure de la gratuité. En dépit de mon faible attrait déjà évoqué pour le musée en tant que lieu culturel je me laissai tenter par la clim...par les peintures, pardon (un seul et pas deux, car il n'y avait aucune photo de Depardon dans le musée). Ce fut l'occasion de croiser quelques noms connus même de notre commune inculture, surtout des noms français. Manet et Monet trônaient (ça rime à nouveau) côté à côté, l'occasion de vérifier qu'ils n'étaient pas Monet blanc et blanc Manet. D'ailleurs Le_neptunien indiqua sa nette préférence pour l'un des deux...mais je ne sais plus duquel des deux il s'agissait, Claude ou Édouard. Si la visite ne s'éternisa point ce n'est pas par manque d'intérêt mais bien par goinfrerie, l'heure du déjeuner ayant été plus qu'atteinte pour nos horloges internes.

Cohérents avec notre incohérence nous déjeunâmes...dans une pizzeria. Pour notre défense nous avions trouvé avant cela un pub dans lequel plus aucune place n'était libre et dont le charme ne suffit pas à nous convaincre d'attendre qu'une table se libère; le serveur nous convainquit encore moins, ne nous accordant qu'un vague intérêt à nous et à notre détresse alimentaire toute relative. La pizzeria, elle, était pour ainsi dire vide ? Ce qui n'empêcha pas le serveur de combiner avec grande dextérité incapacité au sourire (ça me rappela deux serveuses), lenteur au servir  et nonchalance dans l'inaction qui forcèrent mon admiration alors même qu'un papier publicitaire vantait les mérites de l'enseigne, le visage éclairé et la disponibilité sans faille des serveurs. A sa décharge il était assez tard surtout pour un anglais et il me paraît probable qu'il fut fatigué. Je le lui accorde bien volontiers, et ce alors qu'il ne me reverra sans doute jamais et n'a rien demandé, car j'étais moi-même d'une lourdeur patraque assez remarquable.

Sous le soleil de plomb qui enfermait Londres dans le cocon étouffant de sa pollution la suite du programme nous attendait. "Big Ben a dû fondre" s'avéra n'être que parole de chanson car Big Ben était bien là quand nous nous approchâmes après un peu de marche - tout faire à pied ne fut pas la moindre de nos fiertés. L'opportunité d'une énième photo débile - moi, dans une cabine téléphonique rouge dépassant aisément les 40° en son intérieur, faisant semblant de répondre au téléphone (moi, pas la cabine). Tout cela se déroulant sous le regard de Big Ben, qui n'a pourtant pas d'yeux (ni maître), en arrière-plan. On s'amuse comme on peut ! A côté du gros Ben se trouve le parlement anglais, haut lieu de la démocratie anglais, avec House of Commons et House of Lords (la part de démocratie réservée aux nobles) mêlés dans un beau bâtiment. Sans faire injure au Palais Bourbon, bien sûr, ni à celui du Luxembourg très jolis aussi mais moins anglais - merci Cap'tain Obvious. Certaines mauvaises langues persifleront que ce qui se trame entre les murs n'est pas digne de cette façade mais je m'inscris en faux. Il est bien connu en effet que les députés ou sénateurs, ou Members of Parliament, font bien plus de dégâts en dehors de leurs palais respectifs que pendant les séances. Mais, une démocratie d'incorruptibles nécessiterait des élus enfermés toute l'année, 24h/24, sans lien avec l'extérieur et les forces du lobby. Une démocratie d'incorruptibles serait donc déconnectée de tout. Le grand paradoxe du système démocratique !

Sur ces considérations politiques d'un très haut niveau (la hauteur d'un comptoir de bar) nous étions en quête d'un autre monument English Hertiage, la Tour Jewel. Un peu à l'image du château de Portland il eut fallu une vision bionique pour trouver au premier coup d’œil cette petite tour qui servit jusqu'à la fin du XIXème siècle d'entrepôt pour les archives de la Chambre des Lords. C'est là que réside l'essentiel de l'intérêt de la qui n'est pas par ailleurs, et à juste titre, le monument le mieux indiqué de Londres. Elle fut cependant le théâtre de quelques péripéties et survécut notamment à un incendie qui ravagea les alentours en 1834, une bonne partie des monuments de Westminster étant touchés ... sauf la Tour Jewel qui résiste encore et toujours au fire envahisseur (ça rime, mais en prononçant 'fire' à l'anglaise, cette fois). Construite en 1364 par Edward III la tour fut également le lieu de quelques chamailleries entre d'un côté la Royauté)ça rime) et ses proches jardins, et de l'autre les ecclésiastiques et leur proche Abbey. Ces derniers durent séparer la tour de leur bâtiment car le roi ne souhaitait pas que la construction empiète sur ses précieux "gardens". Ils le durent, avec un mur, ce fut dur et ça dure (ça rime plein de fois !) encore puisque le mur construit à l'occasion fait partie la Westminster School. Oui, une vraie affaire de cour d'école !

Comme quoi même une modeste tour un peu excentrée et cachées peut renfermer bien des histoires, preuve supplémentaire qu'il y a beaucoup moins de grands monuments que de petites histoires piquantes. Un peu fatigués et en sueur il nous parut judicieux à moi ainsi qu'au Neptunien qui s'endormait de nous poser dans le parc jouxtant la Victoria Tower, juste en face de la Tour Jewel et à côté du Parlement. Raconter deux heures de sieste - pour lui - ou d'écriture - pour moi - serait périlleux au vu et au lu du fourmillement d'inutilités tartinées dans ce récit. Mains ainsi revigorés par cette pause à l'ombre fraîche d'un arbre, non loin de jeunes s'entraînant au foot, nous pûmes donner notre dernier coup de rein du jour.

Direction Piccadilly Circus et ses enseignes chatoyantes aux odeurs de souvenirs industriels à la pelle, et à l'appel. Pas du mien, ni de (de) Gaulle mais bien de nombreuses personnes à en coire la foule qui se massait devant Big Ben en assiette, Westminster Abbey en mug ou les Beatles en slip - les Beatles dessinés sur des slips, pas les vrais en chair et en os dénudés, je précise. Surtout que Lennon dénudé, dans son état actuel en os plus qu'en chair, ça n'attirerait que les esprits friands  de macabre...ça ferait un paquet de monde quand même à bien y réfléchir. Nous entrâmes dans un magasin et tandis que je fermai les yeux Le_neptunien s'acquittait lui sans mes bêtes arrière-pensées de la tâche qu'il s'était fixée: trouver quelques cadeaux et souvenirs pour les membres de sa famille. Vêtements et vaisselle en main - en cas plutôt - nous partîmes en quête de notre quête désormais routinière, celle d'un lieu pour nous rassasier. Au moins savions-nous cette fois où aller puisqu'en nous rendant à Piccadilly 'Consumption' Circus nous étions passés devant un de ces restaurants où la nourriture circule sur des tapis roulants, le client n'ayant qu'à choisir parmi ce qui lui passe devant le nez. Ou le dos...après tout si le client a envie de s'asseoir dans l'autre sens grand bien lui fasse, le client est roi après tout, surtout en Angleterre? Même si attraper un plat devient alors péripétie. Petits jours nous nous installâmes de face et mangeâmes. Le restaurant était spécialisé dans les sushis et pour une première, en ce qui me concerne, l'expérience ne fut pas du tout désagréable une fois s'être fait à l'idée de manger devant la cuisine du restaurant.

Plat après plat notre faim s'estompa (devinez quoi...ça rime !) alors que le soir tombait sur Londres. Sortant du restaurant nos pas nous menèrent avec notre fougue restante vers Trafalgar Square à nouveau, où était diffusé sur l'écran installé le matin un opéra. Lequel était-ce, mon ignorance en la matière m'interdit de le préciser. Je puis conter qu'une femme y assassinait froidement un pauvre homme avant d'user de toute sa voix, réalisant l'horreur de son acte, pour psalmodier avec les yeux exorbités d'un lémurien quelque complainte, déchirante, grimpant dans les aigus sur la colonne de Trafalgar Square - heureusement que Nelson s'est pris un boulet, il était déjà déchiré donc immunisé, du coup. Le moment s'acheva bien vite car nous étions arrivés pour la fin, rejoignant une foule très conséquente.

Nous possédions encore un peu de temps, il nous fallait être à minuit au plus tard à l'aéroport de London Gatwick pour attraper la dernière navette nous ramenant à l'hôtel. Ce fut l'occasion pour nous de poser nos séants assez peu royaux sur l'herbe et sous l'arbre d'un espace vert non loin de là, à la nuit tombante offrant nos attentions un brin fatiguées. C'est dans cette douce quiétude que l'heure de retrouver la gare Victoria arriva. Le retour en train permit de se coltiner une famille de français qui occupait avec grande application l'espace sonore alors même que ses membres se sustentaient et que, c'est bien connu, on ne parle pas la bouche pleine quand on est bien élevé. Sur ce nouveau coup porté au prestige de notre glorieux hexagone, prestige en pleine hexagonie, c'est bons pieds bons yeux que nous montâmes ensuite dans la navette, ni spatiale ni spéciale, qui contenait la bagatelle de ... trois voyageurs, nous compris.

Cachant au mieux notre appartenance à la tribu des mangeurs de grenouille - ce que je fis d'autant plus facilement que je n'aime pas ça, les grenouilles - nous avions survécu à l'enfer londonien ! Bien sûr, un jour de visite est un laps de temps bien court pour tirer la substantifique moelle d'une ville telle que Londres mais Le_neptunien pourrait certainement narrer avec force détails tout ce qui fait la particularité de Londres? Comme ce n'est pas lui qui écrit, il faut se rendre à l'évidence, ces détails architecturaux, vestimentaires, signalétiques ou capillaires (ça rime une dernière fois) resteront en son âme - et conscience.

Le crochet par Londres représentait déjà l'avant-dernier jour de notre traversée ouest-est de la côté sud anglais. Un jour encore et le lendemain soir notre ferry nous ramènerait à Calais rouler à droite et cesser de donner la langue de Shakespeare au chat dans notre gorge, et à son accent bien français. Tout passe vite, et "le temps est assassin et emporte avec lui le rire des enfants" ... ainsi que celui de Miss Maggie si tant est qu'elle ait jamais ri (salut Renaud, toi qui nous a presque déjà quitté ... et cuité).

Retranscription de De Bretagne et d'Angleterre, de Tezorc Irtimid
Présentation et informations : Présentation
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